08 décembre 2014

Du fabuleux au fastidieux et vice versa

Dimanche 7 décembre, Puyuhuapi, Lucie

Nous avons quitté à regret nos 5 Néo-Calédoniens à Coyhaique, mardi 2 décembre à midi, sous un chaud soleil. Merci à eux pour la bâche, les tartines de dulce de leche, les leçons de débrouillardise, la bonne humeur, le partage, le lit douillet et la démonstration d'un challenge réussi.
Continuer sur de l'asphalte nous fait un bien fou, on est tout contents. Les premiers lupins égaient le paysage qui se fait de plus en plus coquet. Ce n'est que le commencement de l'émerveillement. Après une nuit dans les fleurs au bord d'une rivière, une journée paradisiaque s'ouvre à nous, sur une route certes gravillonneuse mais bordée de champs entiers de lupins violets dont le camaïeu de bleus et de roses rivalise d'éclat avec le jaune d'or des buissons de genêts. On en oublierait presque la fluorescence des prairies vert pomme sous les cimes enneigées. Premier déjeuner sur l'herbe, à l'ombre ! Bonheur total.Pour ceux qui voudraient vraiment du négatif, OK, il y a les taons. Mais c'est juste pour dire.
Un couple d'habitants de Manihuales nous laisse planter la tente sous leur cerisier. Douche chaude. Journée parfaite. C'est ça de pris pour l'avenir !
Le lendemain est également une très belle étape mais pas de superlatifs après le spectacle de la veille ! On savoure, simplement. A Villa Amengual, la responsable de la radio locale nous invite à camper dans son jardin : spot idéal entouré d'arbres, à l'abri des regards, au bord d'une rivière encaissée, agitée et cristalline dont les berges (sable blanc ou galets, au choix) serviront tantôt de splendide salle de bain à ciel ouvert, tantôt de salle à manger luxueuse.
La nuit avale cet éden et restitue au matin un paysage obstrué par des paquets de nuages aimantés aux montagnes et une pluie froide incessante. Après une hasardeuse et vaine attente d'accalmie, nous nous lançons à midi sur les derniers kilomètres de route asphaltée, la tente dégoulinante sur le porte-bagages. Nous savons que la suite de la journée sera éprouvante car des travaux titanesques sont en cours sur un long tronçon de ripio, fermé tous les jours de 13h à 17h pour cause d'explosion de la montagne à la dynamite, et des cyclos russes nous ont prévenus de la boue et des cailloux au programme dans la montée du col. Notre espoir que le soleil des jours précédents ait tout asséché s'étant évaporé, c'est sans illusion qu'on s'y jette... Rude. Le dénivelé et l'épaisseur des graviers nous forcent à mettre pied à terre par endroits et à pousser nos charrettes encrassées. Les camions remplis de pierres à la tonne et peu enclins à freiner la cadence cassent la difficile progression à grands renforts de klaxons et d'éclaboussures, le tout sous une bruine vicieuse.
Trempés, la descente nous glace mais nous offre un formidable tableau végétal de rhubarbes géantes du Chili (gunnère de Magellan), fougères immenses, tapis de chlorophylle sous toutes ses formes et cascades. Nous sommes dans le parc national de Queulat ; pas une habitation à la ronde, des montagnes de forêt, partout.
A force de chercher en vain un hébergement signalé par des motards canadiens, le compteur indique 62 km et il est plus de 21 heures lorsque, fatigués, mouillés et gelés, nous entrons, à la nuit tombante, dans le camping du parc avec une seule idée en tête : une douche chaude. Je la fais courte, le camping le plus cher du voyage n'aura pas une ampoule dans les sanitaires, pas d'eau chaude (de toute façon, la douche à la frontale...) et de la caillasse à perforer pour s'installer. On se couche déconfits, sales, froids, en espérant un lendemain meilleur.
Il commencera par la toilette, une fois la bouteille de gaz changée par le responsable...
25 bornes sous la pluie nous suffiront amplement pour décider de s'arrêter dans le petit port de Puyuhapi, adorable village déposé là par une fée et halte idéale pour faire  le plein de victuailles et se laisser vivre un peu. Le camping dispose d'abris pour planter la tente, de douches chaudes pour de vrai et d'un coin cuisine avec un poêle. Il flotte une odeur de pain sorti du four de la boulangerie attenante et il flotte tout court.  Nous sommes les seuls clients. C'est décidé, on reste deux nuits !
Nous avons bullé, lessivé, bricolé, cuisiné, marché, pansé, photographié, discuté, profité... et sommes prêts à repartir, demain matin. Resto d'abord, je file...

CARTE







15 commentaires:

  1. De Papitou : Après l'épreuve , votre joie se lit, ma Lucie, dans un 'happy' petit lapsus : 'Puyuhapi' pour 'Puyuhuapi'. Elle enchante ... . Avant qu'il faille pédaler sur un vélo pour trouver le Paradis, y'avait le Bon Dieu : "Le bonheur sortait des cailloux, tombait des arbres. On ne pensait à rien, et même on ne redoutait pas que ce bonheur pût fuir, comme tout les bonheurs du monde. On le savait pourtant, mais on pensait pouvoir l'emporter avec soi et le garder toute sa vie, comme un don du printemps offert par le Bon Dieu" (Henri Bosco, Le jardin d'Hyacinthe) .

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  2. Je suis fan!
    Vous êtes mes voyageurs préférés !
    Continuez à nous faire rêver.
    Bises!
    Marc

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  3. C'est vraiment la douche écossaise...mais j'imagine le pur bonheur ( pour la fleuriste contrariée de mon coeur) de se poser dans ces champs de lupins et de sentir le soleil qui réchauffe quand il daigne se montrer. (j'ai noté les joues rouges)
    Vous lire est un ravissement, vous êtes formidables. Baisers tendres. Mam.

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  4. C'est un vrai plaisir de vous lire et J'ADORE vos photos. Elles sont époustouflantes par leur beauté et leur grandeur. J'ai du mal à trouver les mots pour dire à quel point je les trouve belles et à quel point elles m'ont touchée. Ma lulu, je suis contente de voir que tu réalises ton grand rêve. Malgré vos galères et vos difficultés, on sent toute la joie et le plaisir que vous prenez à vivre tous ces moments magiques. Que votre voyage continue comme ça jusqu'au bout (avec un peu moins de pluie et de froid qd même). Je vous embrasse bien fort et pense tjs à vous sur ma route. Bisous. Vané

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  5. Toujours un plaisir d'avoir de vos nouvelles. Quel talent de narration ! Et d'illlustration ! Petit bemol Fred, tu forces un peu trop sur la saturation de tes images : point trop n'en faut ; ). En tous cas continuez à nous faire rêver. Bises !!
    Romain

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  6. Coucou ma LuLu , bonjour Fred. Bien entendu , je vous suis depuis le début, fabuleux parcours fabuleux courage et volonté.
    Les récits sont riches et pittoresques, superbement écrits aussi bien dans le bonheur que dans les moments de galères
    des Bises .

    "Tonton Bernard" ........

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  7. Merci à notre couple voyageur de nous transporter si loin avec des mots et des images, sans avoir à pédaler. Nos plus vifs encouragements pour la suite de votre épopée.
    Gros bisous de Françoise et Lucien.

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  8. Ah mais oui la carretera se fait sous la pluie!! C'est tout son charme, surtout quand bien au chaud on se remémore ce bout du monde encore si préservé.Si ce n'était pas le cas les cars de touristes vous klaxonneraient eux aussi avant d'arriver aux rendez-vous resto/magasins de souvenirs/pause photos! Allez ta chère prose Lulu (je commençais à me demander quand tu allais te lâcher;-)) et tes photos spectaculaires Fred me font rêver...Merci. On vous embrasse très fort

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  9. Trop belles vos photos! (Mention spéciale pour celle de Fred dans la rivière...)
    Sinon, ma chère Lulu, je voulais te dire que notre petite Eugénie Boden est née le 10/12.

    Biz les amoureux

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  10. Coucou les zamoureux
    Vous nous faites rêver, on a un peu l'impression de vibrer avec vous lorsqu'on vous lit, et lorsque l'on voit ces superbes photos!
    Malgré les galères, on perçoit tout votre bonheur! et vous nous donnez envie de nous lancer à notre tour dans un petit périple sud américain.
    Gros calin du soir ma Lulu, et bonne fête! des bises pour Fred.
    Je vous embrasse. Stef

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  11. C'est bien ce que je me disais en re-regardant nos photos du même endroit... C'est le paysage qui faisait la maigre qualité de nos photos. Là, quand il y a l'art et la matière, ça prend une autre dimension... Sublime! On appuie sur les pédales avec vous. Bises
    Los Manohé
    PS: Manounette est ravie !

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    1. Oui, alors, précision. Le Max du 15 déc c'est Max et le Max du 11 décembre, c'est LN. Promis, dès qu'on se croise tous les deux, on se concerte!

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  12. bravo, que c'est bien écrit!
    Gros bizous de nous trois (le troisième c'est Anatole!!!! il est en pleine forme, je vous écris quand j'ai un moment)

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  13. Et cette proximité avec la nature, ça fait rêver aussi, je suis presque envieuse... Des bises, tjrs Ariégeoise !

    Dravidcoquette

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